Si vous nous lisez régulièrement, l’influence grandissante du podcast sur la scène médiatique française n’a plus de secret pour vous, puisque nous lui avons déjà dédié deux blogposts depuis le début de l’année (Le podcast est-il l’avenir des relations presse ? et Comment réussir son podcast ?). Pour continuer notre série sur ce sujet, nous avons eu la chance d’interviewer Yann Thébault, Directeur général France et Allemagne d’Acast, sur sa vision de l’évolution de l’écosystème des podcasts natifs. Une discussion très intéressante, sur un domaine qui demeure très, sinon trop peu documenté.

 

Pouvez-vous nous présenter Acast et sa mission au sein de l’écosystème du podcast ?

Acast est présente depuis 2014 dans le secteur du podcast. Notre mission est de permettre aux créateurs de toucher les audiences les plus larges possible et de monétiser leurs créations et leurs contenus pour générer des revenus. Pour cela, nous leur proposons des outils de distribution sur toutes les plateformes existantes de podcast et de collecte des données d’écoute pour maximiser la valeur de leurs créations.

Deux points nous tiennent particulièrement à cœur : la certification de nos audiences, grâce aux normes de comptage de l’IAB au niveau international et de l’ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) en France, qui nous permettent de communiquer des chiffres d’écoutes certifiés et réels ; ainsi que le maintien du principe d’ouverture de l’écosystème podcast. Si des contrats d’exclusivité se mettent aujourd’hui en place avec différentes plateformes, nous pensons que le podcast est un format libre, gratuit, qui devrait être accessible pour tout le monde et qu’il est tout à fait possible pour les podcasteurs de vivre de leur production en étant distribués sur des plateformes ouvertes et financées par la publicité et les abonnements.

On assiste d’ailleurs à l’essor du modèle par abonnement, qui permet aux auditeurs abonnés d’écouter les contenus en s’épargnant les spots publicitaires et de profiter de contenus additionnels, selon un modèle comparable à celui de Spotify par exemple. C’est une tendance émergente que nous soutenons chez Acast.

 

En 2020, vous avez lancé le Baromètre du podcast natif en France, un outil précieux pour un domaine qui reste encore trop peu documenté ! Quel accueil avez-vous reçu de la part du public ?

L’objectif du baromètre était d’apporter de la clarté et de la transparence sur ce marché naissant. L’accueil des journalistes a été très positif, avec une couverture presse importante et régulière à chaque nouvelle sortie trimestrielle. Le baromètre fournit un standard pour les audiences du podcast natif, un suivi de leur évolution et un éclairage trimestriel sur certains angles, comme la consommation en région ou la notion d’engagement ; ces données additionnelles permettent de mieux comprendre le milieu du podcast natif et soutiennent notre mission de structuration de l’économie et du secteur en France. Nous venons d’ailleurs de publier le septième baromètre, qui couvre les mois d’avril à juin 2021.

 

Au fil des mois, l’audience des podcasts natifs augmente. Selon vous, à quel(s) facteur(s) peut-on attribuer cet engouement ?

Il y en a plusieurs. Le premier tient au fait qu’un certain nombre de sujets ne sont pas ou peu traités dans les médias traditionnels, ce qui explique l’intérêt des auditeurs pour les podcasts. Le premier confinement a, lui aussi, impacté positivement l’écoute des podcasts natifs, qui répondaient parfaitement au besoin de conserver du lien et de la proximité pendant cette période compliquée. Enfin, le succès du podcast natif s’explique par le fait qu’il s’agit d’un format « dans l’air du temps », accessible à tous, gratuit et qui reste « mobile » ; de plus, l’audio est beaucoup plus pratique en termes de consommation médiatique que la vidéo, par exemple. Ces différentes raisons expliquent pourquoi nous observons une croissance aussi forte des audiences et pourquoi le podcast s’installe petit à petit dans la vie des Français.

 

Pensez-vous que l’explosion du podcast natif va s’inscrire dans la durée, même après la fin de l’épidémie ?

Oui, je n’ai aucun doute là-dessus. Le podcast est désormais installé et la croissance des audiences qui a été constatée nous conforte dans cette observation. Le podcast va devenir un média de masse à part entière, car il correspond aux attentes des Français et permet de traiter des sujets importants et de répondre aux attentes des auditeurs.

 

Selon votre baromètre, la banque et la tech arrivent depuis quelques mois en tête des annonceurs publicitaires dans les podcasts. Comment expliquez-vous cette constance ?

Les banques et assurances possèdent une approche assez novatrice de la communication ; elles se sont intéressées depuis le début au format podcast et continuent d’investir, au vu des très bons résultats d’audience enregistrés. Le podcast, qui est devenu un élément central de leur communication, leur permet de créer de l’engagement avec leurs audiences. Pour ce qui concerne le secteur de la tech, le lien avec le podcast est d’ordre plus affinitaire et logique.

 

Quels sont les principaux défis liés à la monétisation du podcast aujourd’hui ?

Il faut d’abord faire preuve de pédagogie pour expliquer aux annonceurs les spécificités du modèle du podcast natif et leur intérêt à communiquer à travers ce médium. Le deuxième défi relève du développement des audiences : malgré leur progression indéniable, la demande de la part du marché des annonceurs reste également forte, l’enjeu étant de pouvoir faire croître les audiences et de monétiser davantage les contenus des créateurs. À l’heure actuelle, la publicité représente la plus grande part des revenus des podcasts, mais de nouvelles formes de monétisation des contenus émergent, comme les formules par abonnement.

 

Doit-on craindre une saturation de la scène podcast face à l’augmentation du nombre de podcasts natifs créés ?

Je pense au contraire qu’on est encore loin du point de saturation et que cet essor est plutôt bénéfique. Il y a encore beaucoup de places à prendre dans le monde du podcast, de sujets encore peu ou pas traités du tout. Aussi, je me contenterai de dire ceci :  il y a de la place pour tout le monde !

D’un point de vue personnel, qu’est-ce qui vous plaît dans les podcasts que vous écoutez ?

J’écoute et j’aime beaucoup de podcasts différents. Ce qui me plaît particulièrement, ce sont les histoires personnelles, les gens qui racontent leur parcours et leurs anecdotes. Dans ce genre, j’aime beaucoup Transfert de Slate. Je conseille également de nouveaux podcasts émergents que j’ai découverts récemment, comme La Loupe, podcast sur l’actualité produit par l’Express, et Reporters par Bangumi, dans lequel Martin Weill interviewe des reporters. Enfin, je suis également Le Cœur sur la table de Binge Audio.

 

Propos recueillis par Elodie Buch