Interview Laure Beaudonnet

 

Laure Beaudonnet, journaliste à la rubrique culture pour 20 Minutes, spécialiste des sujets prospectifs, a récemment publié son premier roman intitulé Arthur, son ange (édition L’Echappée belle), récit glaçant d’un adolescent en proie à des pulsions et tourments sadiques qui vont le mener sur le chemin de la marginalité vers un destin tragique. Elle a accepté de répondre à nos questions sur son roman et de nous donner sa vision des technologies et de leur rôle dans l’avenir de nos sociétés.

 

D’où vous est venue l’inspiration pour écrire votre roman, Arthur, son ange ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu écrire des romans. En 2013, je m’étais essayée au format long en écrivant un livre-enquête sur Mohamed Merah, Un lundi noir à Toulouse, qui n’a finalement pas pu sortir car une des victimes s’est rétractée juste avant la parution. Depuis la rédaction de ce livre – et même avant – j’ai développé une sorte d’obsession-fascination pour les tueurs en série et plus spécifiquement pour leur psychologie. J’ai lu énormément d’ouvrages sur cette thématique et je me suis inspirée de plusieurs romans, principalement Un Tueur sur la route, de James Ellroy et Le Démon, d’Hubert Selby, mais aussi beaucoup de films, du Silence des Agneaux à We need to talk about Kevin. On a tendance à penser que les tueurs en série ont tous eu des vies horribles qui expliquent leurs actes, mais quelques-uns sortent du lot de façon inexplicable : ils ont eu des parents aimants, n’ont rencontré aucun problème majeur pendant leur enfance… C’est ce que je trouve fascinant.

 

Comment s’est déroulée la phase d’élaboration du roman ?

L’écriture a été longue. J’ai commencé à rédiger la première partie en 2014, en profitant des horaires décalés de mon nouveau poste à 20 Minutes. J’écrivais le matin, avant mon shift de 15 à 23 heures. J’ai ensuite mis ce projet en pause pendant plusieurs années avant de le reprendre, lui dédiant une grande partie de mes vacances jusqu’à ce que j’y mette un point final en 2018. S’en est suivie une période de découragement, qui a fait suite aux nombreux refus de la part des grandes maisons d’édition auxquels j’ai été confrontée. La rencontre avec mon éditrice actuelle (NDLR: de L’Echappée belle) a été déterminante, aboutissant à la publication de ce roman au début de l’été.

 

En tant que journaliste spécialisée dans la prospective, quelle est, selon vous, l’influence des réseaux sociaux dans la modification des courants de pensée et des pratiques actuelles ? Les voyez-vous comme une menace ?

Je pense que tout dépend de la façon dont on les utilise et donc, de la génération concernée. On est forcément moins enclins à tomber dedans si on n’a pas grandi avec. La tendance que j’observe, c’est la façon dont le conspirationnisme s’infiltre dans des catégories de populations qui n’y étaient pas soumises avant et pour qui il est devenu très facile de relayer une information d’un simple clic sans y réfléchir davantage. L’immédiateté intrinsèque aux réseaux sociaux mène à une pensée appauvrie et constitue une menace pour la démocratie de façon générale. Tout dépend de la façon dont les pratiques vont évoluer ; chaque époque est marquée par des tendances jugées négatives – comme la publicité dans les années 1990 ! – mais celles-ci peuvent aussi évoluer dans le bon sens.

Il est vrai que, pour les jeunes générations, les réseaux sociaux exacerbent certains maux, comme le cyberharcèlement par exemple : les conséquences pour la personne qui le subit sont encore plus violentes. Pour répondre à cette problématique, une réflexion sur la limitation des réseaux sociaux jusqu’à un certain âge serait la bienvenue.

 

En ce qui concerne l’avenir, êtes-vous une optimiste ou une pessimiste ?

Quand on travaille, comme moi, sur le futur et ses perspectives, deux grands scénarios émergent : l’un est très dépendant de la technologie, marqué par l’intelligence artificielle et les problématiques de surveillance, avec la Chine en figure de proue ; l’autre est centré sur les politiques de décroissance et les réponses aux enjeux climatiques. Pour ma part, je ne vois pas trop d’avenir dans la technologie, pour la simple raison que, si on continue à développer les technologies comme la 5G, les smartphones ou les batteries électriques, on intensifie irrémédiablement la crise écologique en ayant un impact négatif sur la planète. Pour moi, la technologie telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui correspond à un monde qui ne remet pas en question ses méthodes de production et qui s’oppose aux enjeux climatiques. Ne pas changer notre façon de la consommer et continuer de la développer vers plus de performance et de résolution constitue une aberration. La crise actuelle liée à la pandémie de Covid-19 confirme d’ailleurs un certain nombre de théories sur notre société, en particulier son manque de résilience.

 

 

Elodie Buch